« Avant moi, c'était déjà l'Enfer. »

Kiersten Lambridge était une femme magnifique. Sullivan Arlovski, lui, était un homme charmant et charismatique. Ainsi ils étaient faits pour aller ensemble. Un peu simplet me direz-vous. Pourtant la vie n’est pas toujours compliquée comme vous l’aimeriez. Enfin, elle n’est peut-être pas compliquée mais en revanche elle peut être tordue. Kiersten, en plus d’être sublime donc, était pourvue d’un caractère pour le moins explosif. Rien d’anormal jusque là, si ce n’était qu’elle était plus que représentative du clan des diables, son clan. Sullivan était également de cette trempe. Le sexe, le sang, la manipulation, la passion destructrice… Voilà qui les définissait plutôt bien.

Flashback. Mai 1980. Les Arlovski venaient juste de sceller leur union au château royal en présence du roi et de la reine en place à ce moment-là, comme pour tout mariage. Ils se baladaient alors en terre neutre, bien décidés à rendre leurs quelques jours de noce particulièrement excitants. A ce moment-là, ils croisèrent un vampire, probablement un banni car ça n’était pas une fierté vaniteuse qui émanait de lui mais plus une tristesse puérile et risible. Kiersten et Sullivan se regardèrent. Il était clair que ce vampire était une victime de choix. Un sorcier aurait pu également faire l’affaire, mais l’avantage des buveurs de sang était que l’on pouvait leur arracher les canines, et diable que c’était un spectacle amusant de voir tout ce sang gicler pendant que la proie immobilisée hurle à la mort. Il ne fallut que quelques minutes au couple pour arracher les canines, extraire le cœur de la poitrine et enterrer le cadavre sommairement. A croire qu’aujourd’hui, ils n’avaient pas envie d’autant d’effusion de sang que d’habitude. Disons qu’une envie de sexe les avait pris violemment. Comment résister ? Surtout les mains pleines de sang et à tout juste une dizaine de mètres d’un cadavre. Après, quand la femme tombe enceinte, il ne faut pas s’étonner si le futur enfant devient comme ses parents… sinon pire.

D'ailleurs, la petite Alyssia (le premier prénom qu'on lui donna), donna beaucoup de fil à retordre à ses parents et à sa mère en particulier. Elle n'était encore que dans son ventre qu'elle tentait à tout prix d'imposer sa loi. Petit foetus futurement royal donnait de grands coups de pieds dans tous les sens, essayait de changer de position et finit par naître avec presque un mois d'avance. Si Kiersten avait passé la pire nuit de sa vie, celle du onze au douze novembre 1981, Alyssia elle riait aux éclats dans la petite chambre où elle était née, entourée de tout ce monde qui ne se préoccupait que d'elle. Déjà, elle aimait être le centre de l'attention. Quelques jours après, une diablesse traître à sa race nommée Alyssia, fut condamnée à l'exil en Terre Neutre et ses pouvoirs lui furent retirés. Fervents serviteurs du couple royal actuellement en place, Sullivan et Kiersten décidèrent donc de prénommer leur fille chérie Apolline. Son deuxième prénom, Maylee, est aussi le second de sa mère.

« Ma vie, c'est pas le Paradis. »

12.11.95
Cher Journal. *papier déchiré*. Salut toi qui me lit, je m'appelle... *papier déchiré*. Bon je ne sais pas quoi mettre comme titre et puis merde, je n'en mets pas. J'ai envie d'écrire ce que je vis pour m'en souvenir plus tard quand j'aurais une vie tellement ennuyeuse ici, à Iblis, probablement mariée à un diable sans intérêt avec des gosses qui finiront par être des traîtres à leur race. J'en suis écœurée d'avance. Donc je souhaite garder une trace de ma vie actuelle, ma future vie passée donc, pour faire la nostalgique au coin du feu quand je ne serai plus qu'une vieille couenne tue l'amour. Enfin bon passons. Je vais commencer par raconter ce que je sais de mon enfance, parce que oui, là je viens de fêter mes quatorze ans donc je ne pense plus être considérée comme "enfant" tout de même.

En ce qui concerne le pourquoi du comment je suis là, je préfère ne pas le savoir. En tant que diables purs et durs, je pense que mes parents n'ont pas du m'engendrer de manière ennuyeusement mécanique, mais plutôt avec passion et... beurk, horreur j'ai envie de dire. N'y pensons plus. Le fait est que je suis là, petite diablesse diaboliquement diabolique, capable de figer le temps comme on dit. C'est vraiment marrant ET très pratique. Surtout que je suis un peu du genre casse-cou, donc les allers en terre neutre contre l'avis de mes parents et risquer de me faire déchiqueter par un vampire avide de mon sang spécial... j'adorais ça ! Et toujours autant maintenant, sauf que je commence à en avoir l'habitude et c'est un peu moins drôle. Je chercherai un autre style de torture pour la prochaine fois. Si j'enlève le boyau avant l'estomac, ou après le coeur... Piouf. Trop de réflexion d'un coup.

Passons aux choses sérieuses. Mon enfance a été heureuse. Et ennuyeuse. Non bon d'accord, je me suis souvent bien amusée avec mes amis dans ma riche cité. Entre gosses de diables déjantés habitant dans la capitale, comme on dit couramment, du royaume diabolique, à savoir Asmodée, on passait de très bons ensemble à faire les quatre cents coups. Mais malheureusement je crains qu'il n'y ait pas plus à dire. Ah si, j'ai tout de même quelques anecdotes ! [...]

14.05.96
Oh lala ! Je n'arrive pas à y croire. Je viens de rencontrer le prince héritier en personne. Bien sûr au départ je ne savais pas que c'était lui. Inutile de faire les gros yeux, la politique ne m'intéressait pas suffisamment pour que j'aille, collée à mes parents, assister aux cérémonies officielles et compagnie. C'était tellement plus drôle d'aller arracher des canines aux vampires. Il n'empêche que là ... ! Je suis sur le cul. Il est tellement gentil, attentionné. Mais bon, peut-être n'est que ce qu'il représente qui me plaît ainsi. Que sais-je ! Mais je vais arrêter là, parce que vraiment, je me fais un peu pitié d'écrire des stupidités pareilles. On dirait une humaine. Ma mère m'a toujours dis que d'après les histoires ancestrales, les humains étaient des êtres sentimentaux à l'extrême, naïf et dépourvu de tout ce qui pourrait être un tant soit peu intéressant chez eux. Bref une race à exterminer. Et j'espère que cela se passera de mon vivant, qu'on retournera en Terre Pure comme dit mon grand-père et que je pourrais moi aussi faire gicler leur sang jusqu'à la mort !

« Diaboliquement vôtre; La Royauté. »

Quatorze février 1998. Apolline a dix-sept ans, et elle est désormais reine diabolique. Le prince héritier qu'elle a rencontré deux ans plus tôt est inlassablement resté avec elle depuis, tandis quelle, a bien vite compris qu'elle n'aimait pas que le titre chez ce bellâtre. Bien sûr, le chemin vers le mariage a été périlleux. Si le Roi en place se fichait éperdument de qui son fils prendrait pour épouse, tant qu'elle n'était pas dealeuse de sang, ça n'était pas le cas de la mère royale. Celle-ci avait déjà des projets pour son enfant et ne comptait pas subir un cuisant échec. Meadow C. Oppins était la candidate idéale au poste de reine selon elle. Seulement, Austen ne l'entendait pas de cette oreille, et elle dut ainsi se plier à son roi de mari qui lui ordonna de lâcher prise une bonne fois pour toutes.

Alors bien sûr, et ce depuis douze ans maintenant, Apo et sa belle-mère ne peuvent absolument pas s'encadrer, c'est bien simple ma foi ! Austen ne parle quasiment plus à sa mère et cette-dernière s'éloigne considérablement de son mari qui ne lui apporte plus vraiment d'attention. Déchéance totale. Apo quant à elle, est confrontée au métier de reine, à l'opulence et à tout ce qui s'en suit. Elle qui avait toujours vécu dans une petite cité, quel changement ! Mais ne vous inquiétez pas pour elle, d'ailleurs elle a arrêté d'écrire son journal. Elle sait que sa vie sera toujours pleine de rebondissements, elle ne s'en fait donc plus trop... Même si la vie ne réserve pas toujours des surprises. Sa fausse couche l'a un peu refroidie quant au fait d'avoir des enfants, mais Austen n'en démord pas, il aura des héritiers avec sa bien-aimée ! Il est fou. Fou d'elle. Ah que c'est beau. Ok j'arrête.